La chèvre de Monsieur Seguin revisité par Lilou

Par Lilou le 18 septembre 2015

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M. Seguin n’avait jamais eu de bonheur avec ses chèvres. Il les perdait toutes de la même façon : un beau matin, elles cassaient leur corde, s’en allaient dans la montagne, et là-haut le loup les mangeait. Ni les caresses de leur maître, ni la peur du loup, rien ne les retenait.

C’était, paraît-il, des chèvres indépendantes, voulant à tout prix le grand air et la liberté.

Le brave M. Séguin, qui ne comprenait rien au caractère de ses bêtes, était consterné. Il disait : « C’est fini ! Les chèvres s’ennuient chez moi, je n’en garderai pas une. »

Cependant, il ne se découragea pas, et, après avoir perdu six chèvres de la même manière, il en acheta une septième ; seulement, cette fois, il eut soin de la prendre toute jeune, pour qu’elle s’habituât à demeurer chez lui.

Ah ! Qu’elle était jolie la petite chèvre de M. Seguin ! Qu’elle était jolie avec ses yeux doux, sa barbiche de sous-officier, ses sabots noirs et luisants, ses cornes zébrées et ses longs poils blancs qui lui faisaient une houppelande ! Et puis, docile, caressante, se laissant traire sans bouger, sans mettre son pied dans l’écuelle. Un amour de petite chèvre !

M. Séguin avait derrière sa maison un clos entouré d’aubépines. C’est là qu’il mit la nouvelle pensionnaire.

Il l’attacha à un pieu, au plus bel endroit du pré, en ayant soin de lui laisser beaucoup de corde, et de temps en temps, il venait voir si elle était bien. La chèvre se trouvait très heureuse et broutait l’herbe de si bon coeur que M. Séguin était ravi.

– Enfin, pensait le pauvre homme, en voilà une qui ne s’ennuiera pas chez moi !

M. Séguin se trompait, sa chèvre s’ennuya.

Un jour, elle se dit en regardant la montagne :  » Comme on doit être bien là-haut. Quel plaisir de gambader dans la bruyère sans cette maudite longe qui vous écorche le cou ! « 

A partir de ce moment, l’herbe du clos lui parut fade. Elle maigrit, son lait se fit rare. C’était pitié de la voir tirer tout le jour sur sa longe, la tête tournée du côté de la montagne en faisant Mê ! tristement.

M. Seguin s’apercevait bien que sa chèvre avait quelque chose, mais il ne savait pas ce que c’était…

Un matin, comme il achevait de la traire, elle se retourna et lui dit dans son patois :

 » Écoutez, monsieur Seguin, je me languis chez vous, laissez-moi aller dans la montagne.

– Ah! mon Dieu! Blanquette, tu veux me quitter !

– Oui, monsieur Seguin.

– Tu es peut-être attachée de trop court, veux-tu que j’allonge la corde ?

– Ce n’est pas la peine, monsieur Seguin.

– Alors, qu’est-ce qu’il te faut ? Qu’est-ce que tu veux ?

– Je veux aller dans la montagne, monsieur Seguin.

– Mais, malheureuse, tu ne sais pas qu’il y a le loup dans la montagne… Que feras-tu quand il viendra ?

– Je lui donnerai des coups de cornes, monsieur Seguin.

– Le loup se moque bien de tes cornes. Il m’a mangé de biques autrement encornées que toi… Tu sais bien, la vieille Renaude qui était ici l’an dernier ? une maîtresse chèvre, forte et méchante comme un bouc. Elle s’est battue avec le loup toute la nuit… puis, le matin, le loup l’a mangée.

– Pauvre Renaude ! Ça ne fait rien, monsieur Seguin, laissez-moi aller dans la montagne.

* La fin imaginée par Lilou *

– Oh, ma petite chèvre ! D’accord, mais si je t’accompagne et qu’on revient avant la nuit.

– D’accord, monsieur Seguin.  »

Là-dessus, monsieur Seguin accompagna la chèvre dans la montagne. Heureux d’être ensemble, ils gambadèrent dans l’herbe fraiche.

Quand ils arrivèrent dans la montagne, ce fut un ravissement général. Jamais les vieux sapins n’avaient vu une chèvre si joli. On les reçut comme des rois.

Les châtaigniers se baissaient jusqu’à terre pour les saluer du bout de leurs branches. Les genêts d’or s’ouvraient sur leur passage et sentaient bon tant qu’ils pouvaient. Toute la montagne leurs fit fête.

Devant un si joli paysage, monsieur Seguin se dit qu’il eut raison d’accompagner sa petite chèvre dans la montagne.

La petite chèvre pu brouter à sa guise. Et quelle herbe ! Savoureuse, fine, dentelée, faite de mille plantes. Et les fleurs ! De grandes campanules bleues, des digitales de pourpre à longs calices, toute une forêt de fleurs sauvages débordant de sucs capiteux !

La chèvre blanche se vautrait là-dedans et roulait le long des talus, pêle-mêle avec les feuilles tombées et les châtaignes. Puis, tout à coup, elle se redressait d’un coup sur ses pattes. Hop! la voilà partie la tête en avant, à travers le maquis.

Elle s’avança au bord d’un plateau, une fleur de cystise aux dents, et aperçu en bas, tout en bas dans la pleine, la maison de M. Seguin avec le clos derrière. Cela la fit rire aux larmes. Elle regarda monsieur Seguin et lui dit :

 » Que c’est petit ! Merci de m’avoir emmené jusqu’ici. Est-ce qu’on pourra revenir ?

– Oui, c’est vrai que c’est vraiment joli ici ! répondit monsieur Seguin.  »

Tout à coup, le vent fraîchit. La montagne devint violette; c’était le soir. Monsieur Seguin dit :

 » Il est temps de rentrer !

– Que le temps passe vite ! s’exclama la petite chèvre.

– Que tu as raison ma petite bichette !  »

En descendant, le clos de M. Seguin disparaissait dans le brouillard, et de la maisonnette on ne voyait plus que le toit avec un peu de fumée. Un gerfaut la frôla de ses ailes en passant. Elle tressaillit.

Puis ce fut un hurlement dans la montagne :

 » Hou! hou!  »

Elle pensa au loup et se dit qu’elle était bien contente que ce bon M. Seguin l’est accompagné.

Alors, Monsieur Seguin la rassura :  » N’aies plus peur, nous sommes arrivés ! Ici tu es en sécurité.  »

Depuis ce jour, ils se baladèrent tous les jours dans la montagne et ils vécurent heureux tous les deux…

* Conclusion : On a plus à gagner en aidant quelqu’un à réaliser ses rêves qu’en l’empêchant ! *

 

6 Commentaires

  1. Mamie Sylvie 18 septembre 2015 à 21h01

    Je suis sous le charme de cette jolie histoire. Quelle bonne idée d’avoir fait une fin joyeuse. Un grand bravo pour la richesse du vocabulaire. Tu es très douée pour nous faire rêver avec ta façon de décrire la nature.